L’IVG (Interruption volontaire de grossesse) n’est pas une méthode contraceptive mais malheureusement, par manque d’informations, ou de préparation, il arrive que ce soit le dernier recours face à une grossesse non désirée.
Il est étonnant mais vrai que le nombre d’IVG ne baisse pas depuis quelques années malgré toutes les campagnes de sensibilisation. Ce qui tendrait à prouver, contrairement à ce qu’on croit, que les femmes ne sont pas encore très bien informées en Tunisie.
On a voulu avoir l’avis d’un de nos plus éminents spécialistes, le Professeur Fethi Zhioua, gynécologue, chef de service à l’hôpital Aziza Othmana et président de la Société Tunisienne de Gynécologie Obstétrique.
Il est quand même étonnant que le nombre d’IVG ne baisse pas alors que les moyens de contraception sont de plus en plus nombreux et diversifiés, à quoi cela est-il du ?
L’IVG est légal en Tunisie depuis 1973.
Le nombre d’IVG a beaucoup baissé comparé aux premières années mais il est stable depuis une dizaine d’années parce que c’est le même pourcentage de femmes qui utilise des contraceptifs, environ 60%, selon une étude effectuée en 2010. Donc, 40% des femmes tunisiennes n’utilisent aucun moyen de contraception.
C’est énorme !
Oui, c’est énorme. Beaucoup de femmes manquent d’informations. Bien que les plannings familiaux fassent un travail de prévention de grande envergure, de nombreuses femmes ignorent le fonctionnement de leur corps et pensent souvent qu’elles sont à l’abri après un accouchement ou une IVG.
D’ailleurs il y a beaucoup de récidives. IVG un jour, IVG toujours ?
Non, pas à ce point mais il est vrai qu’un certain pourcentage de femmes subissent des IVG à répétition, bien qu’on ne puisse plus parler d’ignorance puisqu’elles ont été briefées à la première IVG. En fait, elles décident qu’il est préférable de courir le risque d’une IVG que de prendre la pilule par exemple.
C’est surtout le cas des célibataires qui ont peur que leurs parents se rendent compte qu’elles prennent la pilule. Elles ignorent qu’une IVG n’est pas un acte anodin et qu’il y a quand même un risque vital.
Une enquête portant sur la mortalité maternelle en 2008 a fait ressortir que 3% des décès en cours de grossesse étaient dus à des IVG.
Est-ce que les IVG sont majoritairement pratiqués sur des femmes célibataires?
Selon une étude effectuée en 2006, il y a eu 14 500 IVG pratiquées dans le secteur public et 22 500 dans le secteur privé dont 45% concernaient des femmes célibataires.
Pourtant les moyens de contraception existent en Tunisie ? Bien sûr que les moyens de contraception existent.
Aujourd’hui la gamme des pilules contraceptives offre un spectre très large et le médecin peut adapter la prescription à chaque profil hormonal.
Il y a également la possibilité d’installer des implants pour les femmes qui ont du mal à se souvenir de prendre la pilule et bien sûr, il y a l’incontournable stérilet qui reste le 1er moyen de contraception en Tunisie.
Qu’est-ce qu’on pourrait faire de plus pour que davantage de femmes aient recours à la contraception ?
D’abord les informer encore et toujours. Cela devrait d’ailleurs être enseigné dans les collèges et les lycées. Il faudrait un cours d’éducation sanitaire et sexuelle.
Il faut également pallier au manque de ressources humaines, notamment au sud, au centre ouest et au nord ouest.
Le personnel médical et sanitaire est très insuffisant.
Pour se faire une idée, il faut savoir que 56% des gynécologues en Tunisie se trouvent sur Tunis, 19% sont au Sahel et 12% sont à Sfax.
Ce qui laisse un tout petit pourcentage aux autres régions. Il faudrait aussi plus d’hôpitaux et de plannings familiaux dans les régions un peu laissées pour compte.
Source : http://www.livretsante.com |